La rupture de pourparlers
Nous avons le plaisir de présenter un article de notre partenaire Lexcap Avocats : c'est l'occasion donnée à Karen BERTELOOT et Pierre LAUGERY de vous expliquer à travers cet article la notion de la rupture de pourparlers, dont les circonstances restent encore bien floues pour beaucoup de monde. Avec quelques idées reçues, décryptées ci-dessous. Nous remercions chaleureusement Karen et Pierre :)
Chacun est libre de conclure ou non un contrat, MAIS...
Principe essentiel du droit des contrats, la « liberté contractuelle » signifie que chacun est libre de conclure ou non un contrat, d’en négocier les termes et de choisir son cocontractant. Il en résulte que chacun est libre de mettre un terme à des négociations et décider de ne pas conclure un contrat.
Cette liberté doit néanmoins être exercée avec vigilance car elle ne peut justifier de nuire à un tiers : « si la liberté contractuelle suppose que chacune des parties en pourparlers a le droit de rompre les négociations en cours tant que le contrat n'est pas définitivement formé, ce droit, comme tous les autres, est susceptible d'abus ; que la partie lésée est en conséquence fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice qui lui a été causé si l'attitude de son partenaire est reconnue abusive ».[1]
Si la rupture des négociations est libre[2], elle ne peut cependant pas être abusive. L’article 1112 du Code civil précise « L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. [...] ».[3]
Quels motifs de rupture sont abusifs ?
Une rupture de pourparlers pourra être qualifiée d’abusive et donc de fautive notamment lorsque la partie qui est à l’origine de la rupture :
- a suscité chez l’autre partie la confiance dans la conclusion du contrat
- a maintenu l’autre partie dans l’illusion d’une proche conclusion du contrat
- a rompu les pourparlers alors que l’accord, bien que non définitif, avait reçu un début d’exécution
...
Dans de telles situations la jurisprudence a pu retenir le grief de rupture abusive de pourparlers. Les tribunaux apprécient chaque situation « in concreto » en tenant compte de la durée des pourparlers, du contenu des échanges, des éventuels investissements réalisés durant les négociations, des débuts ou non d’exécution et en recherchant l’existence d’un comportement fautif, de la volonté de nuire à l’autre partie.
Le simple fait que les négociations se prolongent dans le temps et/ou que les parties s’échangent plusieurs offres n’implique pas automatiquement un comportement fautif : « Qu'en se déterminant ainsi, par référence au seul état d'avancement de la négociation et à l'élaboration de divers documents durant cette phase, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute de la société X dans l'exercice de son droit de ne pas contracter, n'a pas donné de base légale à sa décision ».[4]
L’issue de procédures judiciaires fondées sur ce grief est intrinsèquement liée à la capacité de la partie lésée à prouver le comportement abusif de son partenaire. C’est pourquoi, il est essentiel de se prémunir et conserver des preuves de la réalité et du contenu des pourparlers (emails, comptes-rendus de réunions...). De simples affirmations ne peuvent permettre aux juges de se prononcer.
Attention : seul l'abus est sanctionné
Si la faute est caractérisée et retenue par les juges, la partie lésée peut obtenir réparation de son préjudice. A ce titre, il est important de noter que la réparation porte sur le préjudice résultant du comportement abusif et non sur le préjudice résultant de la rupture elle-même ! La rupture est libre, seul l’abus est sanctionné : « Mais attendu que seul l'abus dans la rupture de négociations peut donner lieu à indemnisation ».
L’article 1112 du Code civil précise sur ce point « En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. »
Ainsi, le préjudice réparable porte essentiellement sur les frais engagés par la partie lésée et perdus suite à la rupture abusive de pourparlers. En revanche, la partie lésée ne pourra prétendre à des dommages et intérêts au titre de la perte de gains que le contrat aurait du lui procurer : « qu'en revanche une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat et que par conséquent la société X est mal fondée à réclamer les gains espérés de l'opération envisagée, ou des dommages intérêts en raison de l'absence de réalisation de l'opération, objet des négociations litigieuses ». [5]
De même, l’action judiciaire fondée sur la rupture abusive de pourparlers ne peut avoir pour objet de contraindre l’autre partie à conclure le contrat et ce, eu égard au principe de liberté contractuelle.
Dans l’intérêt des deux parties, il est important de se pré-constituer des preuves du contenu des négociations et d’attendre la conclusion d’un accord définitif avant d’engager des frais importants ou de commencer à exécuter un contrat « éventuel ». Si les circonstances (urgence du projet notamment) ne permettent pas de finaliser l’accord écrit complet avant de commencer l’exécution et/ou si les négociations impliquent des investissements importants, il est recommandé d’encadrer les négociations. Un accord relatif à la phase de négociations peut permettre de préserver la liberté contractuelle de chaque partie tout en déterminant la part des investissements de chaque partie et le sort de ces investissements si les négociations n’aboutissent pas positivement.
Karen BERTELOOT et Pierre LAUGERY
[1] CA Limoges 06.03.2014 RG 13/00260
[2] Cass com 08.06.2017, RG 16-14795
[3]Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10.02.2016 relative à la réforme du droit des contrats, la rupture abusive des pourparlers était sanctionnée sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil.
[4] Cass com 13.09.2017, RG15-12178
[5] CA Paris 01.04.2016 RG14/22034
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